Commençons par le commencement : c’est quoi ton modèle ?

Franchement, quand je pose cette question aux avocats que je reçois pour une première séance de travail, la plupart du temps j’obtiens une réponse sur la tarification...

Le hic c’est que

Je facture au temps passé

ou

Je propose des forfaits

... ce n’est pas un modèle économique 😬

Un modèle économique, c’est la manière dont tu vas t’y prendre pour réussir à vivre de ton métier. Ça implique de réfléchir à tout un ensemble de dimensions, et pas seulement à ta manière de facturer.

Alors jusqu’à il n’y a pas si longtemps, pour réaliser son “business plan” il fallait s’attaquer à un doc de plusieurs dizaines de pages, complètement indigeste (sauf pour les banquiers et/ou investisseurs, encore que...).

Et du coup, on ne le faisait pas. Parce que bon, soyons honnêtes : qu’y a-t-il comme autre modèle que “temps passé” ou “au forfait” quand on est avocat(e) ?

Prends une seconde pour y réfléchir.

Le principe même d’une entreprise, c’est de construire de la valeur pour ses clients.

Pour ce faire, elle doit consommer un certain nombre de ressources, au premier rang desquelles : le temps et l’argent.

On peut résumer ça avec ce simple schéma :

À gauche, il y a la valeur que les clients perçoivent. À droit, les coûts que ça implique pour générer cette valeur.

☝ Note : ton prix n’est pas au sommet de la valeur perçue pour une raison toute bête : il faut bien que le client se dise que c’est une affaire (sinon il ira voir ailleurs). C’est pourquoi tu fixes ton prix un peu (voire très) en dessous, et une fois que c’est signé tu fais le max pour créer encore plus de valeur (on y reviendra).

Traditionnellement, plus tu veux projeter de valeur, plus ça implique des investissements. Inversement, si tu veux faire du low cost, tu vas dégrader ton offre.

La première s’appelle une stratégie de différenciation : tu investis dans une techno, dans des modèles, tu passes encore plus de temps que tes confrères avec le client → tu mobilises plus de ressources (colonne “coûts”)

La seconde : stratégie de domination par les coûts : t’essaies d’être le moins cher possible pour gagner des parts de marché, quitte à offrir un service de moins bonne qualité.

Que ce soit clair : dans le service, et encore plus dans la profession d’avocat, la seconde stratégie relève quasiment tout le temps du suicide.

Parce qu’il y aura toujours un p’tit malin pour être encore moins cher que toi.

Et parce que personne ne s’intéresse au 2e moins cher.

Mais sur le principe : quand une de ces colonnes monte, l’autre l’imite. Et inversement.

Sauf qu’avec l’arrivée des startups, on a vu des boites proposer d’augmenter la valeur perçue tout en réduisant les coups.

Pense à Uber par exemple : à l’époque la valeur perçu par rapport à un taxi traditionnel (que tu mets une heure à choper, quand t’arrives à le choper, et qui te traite comme de la 💩) est immense. Côté coûts, la boite ne possède pas de voiture, n’achète pas de licence, et se contente de manager une plateforme de mise en relation.

La colonne bleue décolle. La colonne violette rapetisse.

Mais pour que ça marche, fallait convaincre des investisseurs de mettre un peu d’argent (notamment pour la com et le marketing). Il fallait donc pouvoir “prouver” la rentabilité de leur modèle.

C’est pourquoi, dans le milieu des années 2010, Alexandre Osterwalder et Yves Pigneur ont réussi à proposer une manière simple de modéliser n’importe quel business, de Facebook à l’épicier au coin de ta rue. Et ils ont eu tellement de succès qu’ils en ont fait un livre, puis deux, et qu’ils ont fondé une boîte ensemble : Strategyzer. Ils ont remporté plein de prix grâce à ce modèle, qui a fait le tour du monde, et que tout le monde utilise maintenant sous le nom VP Canvas.

Leur modèle s’appuie sur 9 leviers.

Chacun d’entre eux est important.

On y reviendra pendant toute la masterclass alors si jusqu’ici tu lisais en diagonale, c’est le moment de te concentrer à fond :

Pas de panique, on va voir chaque case ensemble 😉

SC = Segments de Clientèle : cette case correspond à tes cibles, à tes typologies de clients. Plus la cible est précise et connue, plus il sera facile de lui proposer un produit ou un service dont elle aura réellement besoin. Tu peux même segmenter en fonction des types de dossiers que tu traites.

PV = Proposition de Valeur : c’est ce que tu vas offrir à ton client (ta manière à toi de régler son problème).

☝ Attention : la proposition de valeur n’est pas l’activité clé (AC) ! Par exemple, lorsqu’un couple souhaite divorcer, tu vas pas leur proposer de « rédiger la convention », tu vas leur proposer de « t’occuper de tout pour qu’ils puissent vite passer à autre chose ».

CX = Canaux : cette case décrit la manière dont tu vas permettre à tes segments de clientèle d’entrer en contact avec ta proposition de valeur. En gros, c’est le marketing et le commercial : ta manière de communiquer ta proposition de valeur, d’attirer et de convaincre tes (futurs) clients.

RC = Relations avec le client : cette case concerne le type de proximité que tu entretiens avec tes clients, et le soin que tu leur apportes une fois qu’ils ont accepté ta proposition de valeur. On verra que c’est un des leviers majeurs de ton développement.

R€ = Flux de revenus : c’est la trésorerie que tu génères auprès de chaque segment de clientèle. C’est là qu’on va parler de tarification, honos, forfaits, abonnements, etc.

RES = Ressources Clés : cette case décrit tes actifs (ou ceux de ton cab : les bureaux, les ordinateurs, les logiciels, les collaborateurs, les ressources intellectuelles, les marques, etc.).

AC = Activités clés : c’est ce que tu fais effectivement pour pouvoir apporter de la valeur à tes clients (productions, mais aussi management des équipes, résolutions de problèmes, audiences, etc.).

PC = Partenaires clés :cette case correspond à ton réseau de fournisseurs et de partenaires. C’est ton écosystème. Sans eux, tu ne pourrais pas faire tourner le cab. Ils t’apportent des ressources clés et réalisent des activités clés.

C€ = Structure de coûts : cette dernière case renvoie à tous les coûts inhérents à ton modèle économique. Tes résultats financiers correspondent à la différence qu’il y a entre tes flux de revenus et ta structure de coûts.

😱 Je dois définir tout ça maintenant ?

Non. Rassure-toi.

Je dirais même que si tu fais l'effort de le faire maintenant, ça va plus te décourager qu'autre chose.

Je suis adepte des petits efforts réguliers plutôt que du gros effort qui casse le moral.

D'ailleurs, développer ta clientèle relève plus du marathon que du sprint

😅

Et en plus, il y a de fortes probabilités pour que ton modèle évolue, ou change complètement après avoir suivi cette masterclass.

Donc mon conseil : sache que tu as un modèle, que tu le veuilles ou non. Il est probablement artisanal, on va le rendre entrepreneurial.

Il va falloir en prendre conscience, jeter de la lumière dessus.

Ensuite, tu vas pouvoir identifier et actionner chaque levier pertinent pour toi.

1 - Réfléchir à tes différents segments de clientèle, ce qui les réunit et ce qui les distingue

2 - Identifier, pour chaque segment, le problème profond du client et ta manière de le résoudre

😵‍💫 N’y passe pas des heures, on y reviendra. Ce qui compte à ce stade c’est d’avoir une première prise de conscience de ton modèle.